Substantielle pitance

Je veux être ce chiot qui se nourrit de miettes qui tombent du ciel, de la table du roi. Car une miette de ta parole suffit à nourrir ma miette de foi. Une miette de ton regard suffit pour retrouver courage. Un rien de ta présence emplit ma vie entière, la dilate, l’ancre là où elle doit être, en son port, près de toi.

Rien qu’une miette. Rien de plus.

Je suis de cette meute de petits chiens qui jouent et sautent autour des convives, pour grignoter ici un os de poulet, là une croûte de fromage. Animal docile, impur peut-être. Dédaigné sans doute, à tout le moins au temps de Jésus. Fidèle pourtant.

Je veux être la sœur de ceux-là qui souvent ont le sentiment d’être moins bien traités que les petits chiens. Je veux être la sœur des coupables, des impurs, des ratés, et je sais très sûrement qu’il en est ainsi.

Parce que c’est là que tu habites.

Parce que c’est là que tu pars à la rencontre des brebis perdues, surpris toi-même d’être entraîné au-delà de tes propres frontières, au-delà du pays des brebis, jusque chez les petits chiens.

Je veux être ce chiot qui réclame une miette. Car je sais bien que tu ne rejettes aucune demande, aucune plainte. Nous ne sommes jamais importuns à tes oreilles. Nous ne te dérangeons jamais. Car pour toi, un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort (Qo, 9,4).

Mon frère, ne tremble pas. Mendie ! Dieu donne.

Anne Lécu, dominicaine et médecin en milieu carcéral

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