Pour une spiritualité de l’insurrection

Je viens de relire un petit livre écrit par Francine Carrillo, « Pour une spiritualité de l’insurrection« . Une cinquantaine de pages dans lesquelles elle partage ses réflexions autour de l’évangile de la Samaritaine, qui nous est proposé pour ce 3e dimanche de Carême.

A défaut de se retrouver ce week-end, voici quelques extraits :

« (…) L’insurrection est le contraire de la soumission, de la peur et de la tiédeur. C’est la découverte que l’on peut faire des choix qui rendent libres et heureux. C’est un courage ancré dans la hauteur, un élan vers ce qui élève, une quête du rare. (…) J’ai choisi de relire avec vous le récit de la rencontre entre Jésus et la femme samaritaine au puits de Jacob, car cette femme représente pour moi la métaphore de ce ‘surgissement du dedans’ (…)

La Samarie de nos confusions 
(…) Nous sommes à la recherche de ce qui peut sourcer nos vies en profondeur et nous nous sentons perdus devant la profusion des voies qui s’offrent à nous. (…) Chacun est seul avec lui-même, chacun est responsable de son bonheur et du sens de la vie.

Or, c’est précisément là que Dieu passe, dans la Samarie de nos confusions et de nos mésalliances. En Jésus, il s’assied au bord de notre puits intérieur, ce sans fond où nous nous épuisons à puiser du sens par nos propres forces.

Le puits de nos épuisements
(…) ‘Donne-moi à boire’ A-t-elle bien entendu ? Lui, un Juif, adresse à la parole à elle, une Samaritaine ! Et de plus, pour lui demander d’étancher sa soif! C’est le monde à l’envers! Il arrive que Dieu nous prenne ainsi à rebours ! Il arrive qu’il nous rejoigne là où nous l’attendons le moins, c’est-à-dire là où nous sommes, là où nous en sommes.

(…) Où trouver cette eau jaillissante, où se cache-t-elle parmi tous les puits sur lesquels nous nous penchons, parmi toutes les fontaines auxquelles nous buvons et qui laissent notre soif intacte ? Comment l’obtenir ? (…)

A qui sommes-nous mariés ? 
(…) Le texte prend du sens quand on se souvient que ‘mari’, en araméen comme en hébreu, se dit ‘baal’, un terme qui désigne les dieux importés d’Assyrie, les faux dieux au regard d’Israël, car au lieu de renvoyer au jaillissement de la vie sur lequel nous n’avons aucune prise, il nous font croire qu’on peut maîtriser les forces de la nature, de la santé et de l’économie en leur sacrifiant nos forces. On peut lire dans les cinq maris de la Samarintaire tous ces objets ou ces réalités à qui nous vouons un culte et qui pourtant nous laissent vides. (…)

Et voilà que Jésus va encore la dépayser. Dieu n’est ni ici ni là, pas plus à Jérusalem que sur la montagne des Samaritains. (…)
Si Dieu a lieu quelque part, c’est dans le Souffle et dans la Vérité qui circulent entre les humains. S’il survient, c’est dans la respiration de la vie délivrée de son sommeil. (…)

Entrer en résurrection
Ceux et celles qui sont un jour interpellés par une parole décisive ne peuvent qu’entrer en insurrection. Il ne se contentent plus de ce qu’ils ont vécu jusqu’ici, ils abandonnent leur jarre, parce qu’ils ont goûté au Souffle et à la Vérité et qu’ils ont commencé à respirer autrement.

(…) Entrer en insurrection, c’est obéir au Souffle : il nous réveille de cette mauvaise somnolence qui est le propore de ceux qui subissent leur vie au lieu de l’agir. Ce n’est pas simplement ‘accueillir ce qui est’, mais c’est opérer des fractures dans les déterminismes de tous ordres. C’est choisi d’affronter le mensonge, la lâcheté, la peur, la convoitise, la tristesse, la laideur, toutes ces réalités qui nous tirent vers le bas. Entrer en résurrection, c’est devenir veilleurs, c’est parier sur l’avenir toujours plus grand, toujours autre que nos petites attentes. Et l’avenir commence au-dedans, là où nous pouvons le plus immédiatement changer quelque chose !

La Samaritaine a laissé sa jarre, c’est un geste de rupture qui inaugure du neuf pour elle. Elle ne va plus vivre comme avant, elle va désormais chercher à étancher sa soif autrement. Elle avance vers sa liberté. (…)

C’est à respirer large que nous sommes invités ! Et respirer, spirituellement parlant, n’est pas loin de ‘con-spirer’ qui signifie littéralement ‘respirer avec’. Articuler notre souffle au Souffle divin implique donc de conspirer contre les puissances qui défigurent le monde. Et inversement, la vraie conspiration est celle qui se laisse inspirer par plus grand qu’elle.

L’insurrection doit rester le fruit de l’amour, non de l’amertume. C’est parce que la vie est bonne à aimer qu’il faut contrecarrer les forces qui barrent cette bonté.  »

Bon dimanche et bonne semaine à tous !

 

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